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Recherche appartement ou maison en Inde – Partie 2

Dernière mise à jour : 3 mai 2023



Décembre 2021.

Un an plus tard, nous voilà de nouveau en quête d’un nouveau chez nous. Et dire que nous pensions alors avoir tout vu et tout vécu, Lucas et moi avions tout faux !

Svastika, symbole qui possède de nombreuses significations sacrées en Inde / Source : Wikipédia

« Dites-moi que c’est une blague ?! Que rien de tout cela n’est vrai et que je vais me réveiller d’une minute à l’autre ?! » , me dis-je tout en me pinçant le bras gauche. Mon visage se crispe et j’ai un rire nerveux. Le broker, ce joueur de flûte, nous avait assurés à Lucas et à moi que notre nouvel appartement serait propre et en état d’usage lorsque nous emménagerions, mais ce dernier est dans un état dé-plo-rable alors qu’il est tout neuf et que nous sommes les premiers à s’installer dedans ! Je vis un cauchemar éveillé : rien n’a été fait, rien n’a été vérifié ; toutes les pièces sont noires de crasse et avec des cadavres de cafards mutants, la cuisine a des svastikas et du plastique de protection de partout et la quasi-totalité des équipements sont hors d’usage (toutes les chasses d’eau cassées et non tirées, douches bouchées, gros problèmes d’électricité, aucune climatisation qui ne fonctionne, aucun accès au gaz). En bref, on se faire prendre pour des jambons au pays du curry ! S’ensuivent alors des semaines de bras de fer et de journées à rallonge passées dans le bruit et dans la poussière, à tenir le rôle de contrôleur de chantier afin que notre logement devienne décent. C’est durant cette période que j’ai réellement pris conscience de l’écart culturel qu’il y a entre la France et l’Inde ; comme si un génie à l’humour bien trempé avait décidé de me faire sauter à pieds joints dans un conte moderne des " Mille et Une Nuits ", la partie enchanteresse en moins, pour me permettre ensuite d’avoir une meilleure compréhension de la culture indienne…


Il était une fois le monde merveilleux de Clémence. Cette dernière se retrouva nez à nez avec le génie de la lampe au détour d'un bazar :

- Clémence : « Génie. Oh ! Doux génie ! Tu tombes à pic ! Je souhaiterai me plonger un peu plus dans la culture indienne. Pour cela, j’aimerai que tu exauces les souhaits suivants :

  1. Que je me frotte à de la notion cyclique du temps et à la gestion des priorités/imprévus.

  2. Que je me pique au « jugaad », soit l’art du Système D.

  3. Que je me confronte au non-respect de l’intimité et de la vie privée ».

- Le génie : « Tes vœux seront exhaussés mais d’abord, je vais te laisser galérer un peu. Ha, ha, ha. Enjoy ! ».



Je disais donc, les différences culturelles que j’ai clairement identifiées au fil du temps sont :

  1. La notion du temps et la gestion des priorités et des imprévus : vaste sujet et base de la culture indienne qui, lorsque tu l’as compris et accepté, te permet de prendre plus de recul face à tous types de situations et d’essayer d’être dans l’anticipation. Si chez nous, le temps est une ligne continue avec un début, des actions au milieu et une fin, dans la culture indienne, le temps est une boucle où tout ce qui arrive est déjà arrivé auparavant et sera amené à se représenter à nouveau. Exit les " To Do List " et programmes bien définis en avance, en Inde les gens agissent dans l’instant, car pour eux, il n’y a ni commencement, ni fin vu que le temps tourne en boucle. Tu dois donc forcer le destin pour obtenir une place dans cette boucle temporelle afin que tes demandes et besoins puissent être pris en considération. Une fois ce premier niveau passé, te voilà maintenant confronté au " level 2 " de cette notion de temps, soit la gestion des priorités et des imprévus. Parce que prioritiser n’est pas le fort des Indiens, il faut s’armer de patience et ne pas hésiter à les saouler jusqu’à ce qu’ils capitulent (et crois-moi, ils sont beaucoup plus fort que toi à ce jeu-là) et fassent passer au-dessus de la pile ta demande initialement placée en dessous. S’ajoutent à cela les nombreux imprévus qui viennent se glisser dans la boucle temporale au cours de la journée et ton rendez-vous ne s’effectuera pas à l’heure prévue, mais s’effectuera à l’heure où on aura le temps de passer chez toi.

  2. L’art du système D ou « Jugaad » : si la main-d’œuvre n’est pas chère en Inde, la qualité du service n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’il semble y avoir peu d’écoles pour se former à l’artisanat, les Indiens se forment donc comme ils le peuvent, c’est-à-dire sur le tas, mais peut aussi s'expliquer par le fait que nous n’avons pas la même notion du détail et du travail accompli, ce qui mène souvent à des incompréhensions. En bref, si les Indiens peuvent faire preuve d’une grande imagination pour trouver une solution temporaire à ton problème, cela reste une solution système D avec une durée limitée dans le temps. Pas besoin de long discours, cet art du système débrouille se définit en un mot : « Jugaad ». Dernier point qui a son importance et qui peut sans doute fournir une explication supplémentaire quant au sens du travail accompli : le fait que chaque personne se retrouve cloisonnée dans une tâche bien précise (Celui qui rebouche les trous, celui qui resserre les vis, celui qui change les ampoules… C’est un peu exagéré, mais sur le principe, c’est cela.) à la différence de la France où les artisans sont « multi-tâches », car la main-d’œuvre a un coût non-négligeable, mais aussi pour créer de la diversité dans les tâches.

  3. Le non-respect de l’intimité et de la vie privée : propriétaire qui débarque n’importe quel jour de la semaine, sans préavis, et rentre chez toi sans dire bonjour suivi de près par des artisans ou par des membres de sa famille pour leur faire visiter sa nouvelle acquisition immobilière, artisans qui devaient intervenir un mois plus tôt et qui se pointent chez toi le jour où tu t’apprêtais à sortir pour un rendez-vous important, voisins qui se plantent devant ta porte pour observer ton intérieur, agent immobilier mandaté par le propriétaire qui t’attend en bas de l’immeuble pour que tu lui ouvres ton appartement là, tout de suite, maintenant… Si rentrer comme dans un moulin chez les uns et chez les autres est culturel en Inde, ce genre de situation peut s’avérer pénible et délicat à gérer étant donné que nous n'avons pas le même rapport à l'intimité/à la vie privée qu'eux ; ce qui génère de gros problèmes de communication.

L’exemple « trois en un » pour étayer mes propos – La mise en place de la fibre dans notre premier logement : après l’avoir attendu pendant dix jours, l’installateur sonne enfin à ma porte (** notion de temps et de priorisation **). Ce dernier, sans avoir prévenu en amont de sa venue, rentre chez moi sans me demander la permission (** notion d’intimité et de vie privée **), s'attelle à récupérer la fibre depuis le toit de l’immeuble, fait passer cette dernière par l’ouverture de notre fenêtre de salon, puis commence à plier bagage (** jugaad **). « Ne me dis pas qu’il va laisser le fil comme ça ? En plus d'empêcher la fenêtre de se fermer complètement, le fil va se sectionner à force d’actionner cette dernière », me dis-je. Je stoppe l'ouvrier dans sa lancée et lui demande de finir le travail, car selon ma vision à moi, cela ne peut pas rester dans un état " semi-fini ". Le MacGyver local emprunte alors notre perceuse et fait un trou monumental dans le mur, y fait passer le fil dedans puis, sans même prendre le temps de reboucher le trou, de ranger et de nettoyer, s’en va. Médusée, je vais chercher notre propriétaire pour lui demander ce qu’elle en pense. Cette dernière n’est pas surprise pour un sou : « Ben, c’est quoi le problème ? Tu laisses comme ça ».

Parce que se sentir bien chez soi en Inde est loin d’être chose aisée, j’entame en ce moment même des recherches pour trouver notre troisième (et j’espère dernier) logement. Si les deux précédentes sessions de recherches d’appartements ont été éprouvantes, j’aborde aujourd’hui cette situation avec beaucoup plus de recul et de sérénité qu’auparavant. Serai-je sur le point de percer à jour la " zen attitude " indienne ?

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