Décembre 2020. Un, deux, trois… Tout en écoutant les explications du broker (courtier ou personne en charge de faire l’intermédiaire entre les locataires et les propriétaires), je compte le nombre de logements inscrits sur la liste longue comme le bras qui nous a été fourni à Lucas et à moi… Quatorze, quinze, seize… En deux jours, dans des quartiers radicalement opposés les uns des autres, nous allons visiter non pas trois, non pas seize, j’arrive à la fin de la liste, mais trente appartements ! Le pari est ambitieux et le nom des résidences (Lapis-lazuli, 24 Carats, Royal orchid golden suites) donne envie. Excités à l’idée d’aller à la rencontre de notre futur chez nous (surtout après quatorze jours de quarantaine), Lucas et moi étions loin d’imaginer qu’une tâche aussi banale que celle de se loger allait alors s’avérer être un véritable parcours du combattant…
* Note aux lecteurs : mon récit est un condensé de mon expérience personnelle et de mes ressentis après plus de deux ans de vie ici. Bien entendu, le retour sur expérience peut varier d’une personne à l’autre et c’est ce qui fait la beauté du voyage et du parcours de vie de chaque individu. *
Définition de l’Enfer, selon moi :
Exemple 1 – La notion de propreté ou l’état désastreux des biens immobiliers : cela dépasse tout ce que j’aurai pu imaginer en matière d’insalubrité et de saleté, mais j’y reviendrai un peu plus tard dans mon article.
Exemple 2 – LA salle de bain indienne : sombre, à (faux) plafond bas, avec des carreaux de partout, une minuscule fenêtre, une ventilation vieille comme le monde et le strict minimum en termes d’équipement… Tout est réuni pour te dissuader de passer du temps sous l'eau !
Exemple 3 – L’état général des " societies " ou résidences : très loin de nos petits immeubles " cosy " français, les societies indiennes sont souvent des barres d’immeubles avec gardes à l’entrée qui sont, soit pleines à craquer et bruyantes, soit à l’inverse complètement désertes avec l’impression d’être dans une ville fantôme, avec un dénominateur commun : même lorsqu’elles sont récentes et un minimum entretenues, ces dernières sont bien souvent en mauvais état (poussière, exposition au soleil ou encore mousson = vieillissement prématuré assuré). Même constat pour les amenities (équipements) : avoir accès à une piscine ou à une salle de sport dans sa résidence, c’est cool, encore faut-il qu’elles ne soient pas laissées à l’abandon.
Exemple 4 – Les notions d’intimité et de bruit : appartements qui offrent une vue dégagée sur le logement d’en face, murs des societies qui vibrent à cause de certains voisins qui écoutent de la musique Bollywood les basses à fond, piscine en plein milieu du parking ou entourée par tous les logements de la résidence (option " Indiens moustachus en train de se rincer l’œil pendant que tu fais tes longueurs " garantie), porte d’entrée des voisins constamment grande ouverte avec bruits/odeurs de cuisine et conversations bruyantes pendant que les enfants ont transformé le couloir de l’étage en salle de jeux et marchent tous avec des chaussures qui couinent, étalage de claquettes de toutes tailles qui se répandent de la porte de tes voisins jusqu’à devant la tienne…
Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer face à l’état des appartements que nous sommes en train de visiter. En-tout-cas ce que je sais, c’est que plus la journée avance, plus le broker a de la chance que je n’ai pas un oreiller sous la main, sinon je lui aurai fait bouffer afin qu’il arrête de nous bassiner avec ses phrases de marchand de tapis à deux balles pour essayer de nous faire croire que nous nageons en plein bonheur !
« On me dit dans l’oreillette que tu restes sur ta faim et que tu es en attente d’anecdotes ». Aussitôt dit, aussitôt fait ! :
* Mon Top 3 des visites de logements qui resteront gravées dans les annales *
Celui quitté précipitamment pour fuir la pandémie de Covid : LE grand gagnant du concours ! Nouilles sautées encore dans le wok et projections d’huile restées sur le mur, frigo rempli avec aliments en décomposition, fruits et légumes en train de pourris sur le plan de travail, poubelles pleines, salle de bain sale et chasse des toilettes non tirée, affaires laissées dans les placards avec seulement le lit défait et linge encore étendu sur le balcon. Tout a été laissé en suspens et te donne l’étrange et désagréable impression d’être le protagoniste en train de chercher des vivres dans un film post-apocalyptique. Une porte claque, je sursaute et prends mes jambes à mon cou, des fois qu’un zombie sortirait de la baignoire !
Celui où le fossé culturel nous a mis à la porte : deuxième sur le podium, mais aurait largement mérité la première place ! Déchets dans le jardin, projections jaunes et marrons sur les murs de la cuisine, forte odeur d’épices et de graillon, traces de mains et de pieds du sol au plafond, câbles électriques qui pendent de partout, mais le must du must, c’est la moitié de la famille qui dort à même le sol dans le salon pendant que l’autre moitié est en train de faire la puja (invocation) dans l’une des chambres ! La fumée se rependant à vitesse grand V, il devient vite difficile de respirer et d’y voir quoi que ce soit pour continuer notre visite. Les yeux qui piquent et en proie à une quinte de toux, je me dis qu’on a frôlé la catastrophe avant que l’alarme à incendie ne se déclenche.
Celui où la déco et l’ameublement te donnent des sueurs froides : plafonds bas + statues grandeur nature en résine multicolore, en plaqué or ou en faïence de Bouddha et de Divinités Indiennes dans toutes les pièces + meubles en marbre et en bois massif encastrés dans les murs + rideaux et abat-jour bien fleuris et bien colorés " de chez mère-grand " + autel pour faire la puja et lavabo pour permettre aux invités de se laver les mains en plein milieu du salon = le combo parfait dans la catégorie " Au-secours, j’étouffe " ! Le broker est à fond et insiste sur des détails dont les Indiens raffolent peut-être, mais qui sonnent creux pour nous ; nous nous regardons, Lucas et moi, et explosons de rire. Vexé, le Stephan Plaza local nous ramène à l’hôtel sans piper mot.
Suite à ces deux jours de visites, nous jetons notre dévolu sur le seul appartement en bon état général que nous avons visité. Seul hic : le train passe juste en-dessous de nos fenêtres… Je sens que nous n’allons pas faire long feu ici !
… La suite au prochain épisode…
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